J’ai d’abord rêvé d’être danseuse classique. J’ai été ​haltérophile. Mon grand-père nous apprenait à mes cousins et moi le lancer de couteaux sur la porte du garage et à faire claquer le fouet comme Indiana Jones. Ce sont sans doute là mes premiers liens au cirque. J’étais douée pour les lettres alors dans un premier temps je suis allée m’accrocher aux mots en ​Hypokhâgne au Lycée Pierre de Fermat puis à l’université Toulouse le Mirail où j’ai passé quelques années à chercher un chemin dans l’architecture du langage. C'était un sujet de recherche passionnant mais lorsque s'est posé la question de l'engagement à ce moment crucial où il détermine les années à venir j'ai pris conscience que j’aspirais à d’autres horizons et que c'était impérieux.

J’ai changé de chemin, je suis allée vers le théâtre. Au Théâtre de la Digue à Toulouse j’ai rencontré Claude Bardouil, acteur, danseur, metteur en scène, chorégraphe toulousain. Je ne l’ai pas su avant quelques années mais aujourd’hui quand je me retourne je reconnais que mon chemin artistique est marqué par cette rencontre comme quelque chose qui aurait infusé et grandi au fil des expériences.
Ma confrontation à la scène fut néanmoins douloureuse. Je manquais d’ancrage. Les mots me faisaient vaciller. Alors je suis partie éprouver le monde, trouver mes propres mots. J’ai travaillé mon ancrage physique et entraîné mon corps, tous les jours pendant quatre ans. Je me tenais prête. Le jour où par hasard je rencontre une corde dans un coin du Lido, je l’étais.

Très vite je comprends que c’est le lien que je cherchais entre les mots que j’écris et cet autre langage auquel je n’ai jamais renoncé depuis l’université, celui sans les mots. Lorsque je débarque à la salle d'entraînement de La Grainerie avec ma corde je n'en sortirai pas pendant trois ans pour apprendre, apprivoiser, tisser des chemins entre la corde et le corps jusqu’à ce que l’un et l’autre deviennent indissociés. Faire et refaire jusqu’à ne plus savoir comment on fait. Après avoir expérimenté des formes courtes dans des scènes ouvertes et improvisé des performances aériennes avec des musiciens je décide de revenir au théâtre avec l'idée de provoquer cette rencontre de la scène et de la piste. De croiser l'espace vertical de ma corde et celui horizontal du plateau.

« Langagement » du corps et celui des mots.

Ma recherche sur OPSIS, mon premier solo de corde, prend sa source à la croisée des chemins du théâtre et du cirque, du plateau du Théâtre Jules Julien à celui de La Grainerie où je viendrai présenter mes premières étapes de travail. Quinn​, suite pour corde et masques sur une musique de Lully ​sera le fruit de mon enthousiasme pour la danse baroque après un travail avec un des danseurs de la compagnie de danse ​L’Eventail ​et de l’échec d’une recherche sur le théâtre Nô.

En 2016 je quitte la région toulousaine pour le Trégor et jette l'ancre au bord de la mer pour accueillir un enfant.

Lorsque je reprendrai la voie des airs ce sera avec un tout nouveau sens. Élever.
Je recroise le chemin de la Compagnie L’Eventail en 2018 à l’Académie de danse Baroque de Sablé et de rencontre en hasard je retrouve le chemin du théâtre au Domaine de LInières dans la mise en scène d’Andromaque de Julien Ostini qui me confie le rôle de Cléone.

Petit à petit revient l’appel des mots.

En 2022 j'amorce la création de Dédale - poème vertigineux, une adaptation pour voix et corde lisse de la Lettre d’Ariane à Thésée, une forme dont je pressens qu’elle trouvera sa plénitude en étant jouée sur l’estran. L’association Fracage est créée au printemps suivant pour porter mes projets sur le territoire breton, structure qui me permettra de réaliser le spectacle Dédale sur l’estran de Locquémeau à marée basse en septembre 2023.

L’histoire entre cette corde et moi c’est un peu celle de ma vie. C’est un guide invisible, dans la joie et la tourmente, l’endroit de la vie libérée du vertige et de la peur de tomber. L'endroit où je me sens à ma place. Je commence toujours par ça : tout en haut je ferme les yeux et je reste immobile quelques instants au-dessus du vide, dans l’étreinte de ma corde. Dans cette résonance. Et je ressens de la joie.
C’est ce que j'aimerai transmettre, cette intensité, cette juste coïncidence entre soi et l'espace, entre soi et les autres. L' in-temps-citée. Parfois c'est simplement un geste esquissé qui donne à voir tous les possibles, parfois c'est juste s'arrêter dans le silence et respirer. Parfois c’est juste une main tendue à travers le vide.

Il se sera peut-être passé quelque chose.

Hélène BOU

Projets

Opsis : création 2015/ reprise 2024 - 25 minutes - Air-Tragédie /// Hélène BOU avec Arthur SARTHOU (ingénieur son) et Xavier CONSTANS (comédien voix)

Dédale : création 2023 - en tournée - 25 minutes - poésie vertigineuse /// Hélène BOU (artiste cirque et voix)

Quinn : création 2016 - 20 minutes - danse masquée sur corde lisse /// Hélène BOU (artiste cirque)

SynOPSIS : création suspendue - 60 minutes - AIR-tragédie /// Hélène BOU (artiste cirque) – Arthur SARTHOU (comédien) – Xavier CONSTANS (comédien)